Ces derniers mois, alors qu’au sol, le chemin entre le lit et le canapé se marquait de plus en plus …
… et que le soleil n’arrêtait pas d’illuminer le fond de ma fenêtre, mes voyages imaginaires sur les traces de mes souvenirs alpins se prolongeaient au point d’annihiler toutes tentatives de m’y confronter réellement.
Le café devenu tiède pendant qu’en rêve, je me promenais sur le sentier de la cabane Tracuit me rappelle les bivouacs en parois où la neige péniblement réchauffée par la petite flamme bleue tressautant dans l’obscurité donne naissance à un breuvage toujours trop chaud puis… trop froid pour être dégusté avec plaisir.
Puis, profitant des quelques dizaines de minutes de marche de mon programme de récupération quotidien, je file, un peu honteusement, sans que personne ne le remarque, du côté du Bishorn puis de l’arrête nord du Weisshorn.
Le rythme lent de ma foulée ainsi que mes hésitations me permettent aisément de recréer mentalement la progression sur cette magnifique arête au point que je me mets à avancer les pieds en canard comme pour éviter de basculer d’un côté ou de l’autre.
De retour dans mon salon, les jambes écartées au maximum de mon amplitude de compas rouillé, je me fige dans une position devenant très rapidement inconfortable.
Un ou deux étirements plus loin, les tremblements frénétiques générés par une musculature encore peu habituée à ces excès me transportent dans la dernière partie du Grand-Gendarme.
Je me retrouve écartelé entre deux pans de rochers sans aucune possibilité de décoller ni mes mains ni mes pieds de la paroi.
Quelqu’un a dû ouvrir le robinet, car l’acide lactique se met à déferler comme si tout mon corps allait rentrer en résonnance. Entre imagination et réalité, un petit coup d’œil entre mes chevilles sur le chat couché sur son dos a vite fait de me motiver à bouger et me sortir de ce vilain pas.
Encore essoufflé par tous ces efforts, je reprends ma position de progression, les pieds à 10 h 10 pour continuer l’arête jusqu’à… la douche, qui sera le sommet de cette journée en montagne près de chez moi !
