Tu as vu ce type en face avec son gros sac. Il a dû se tromper de chemin… ou bien ?
Tu as vu ce type en face avec son gros sac. Il a dû se tromper de chemin… ou bien ?
Qu’est-ce qu’il fait ici ? Les belles courses c’est de notre côté, ils le savent bien !
Je l’ai toujours dit, Pra Gra, il n’y a que les « freeriders » qui adorent ce versant en hiver. L’été, c’est pour les randonneurs ou les trailers à petits paquetages !
En plus, quel malpoli, pas même un regard pour nous, les aristocrates du coin !
Pourtant quand on arrive à Arolla, on ne voit que nous… les belles de Tsalion.
Le Mont Collon, il peut bien faire le fier tout au fond du vallon. Il n’a pas de quoi pavoiser avec ses pieds ancrés dans ce qui lui reste de glacier. Pourtant, inlassablement, il essaie de redonner un peu d’éclat à grands coups de séracs lâchés depuis sa calotte sommitale. Beaucoup de fracas pour peu de résultats.
Le pseudo montagnard, il pensait le faire en cachette, mais je l’ai bien vu regarder le Pigne avec pitié. Il faut bien dire que pour lui, la vie n’est pas facile depuis qu’il a perdu sa belle face nord. Au bistrot il paraît que l’on raconte qu’elle aurait succombé aux charmes du… « changement climatique ».
Bien sûr que ce gros lourd, il nous a aussi fait son cinéma. Son souffle chaud est encore perceptible juste dans la brèche entre ma sœur et moi. C’était bien agréable, mais on est restées, nous !
D’ailleurs, les aiguilles, pointes, dents du côté de la Tsa elles ont toujours été là. Fièrement dressées au-dessus du vallon. Solidement ancrées. Indéboulonnables.
Bon, en regardant l’amoncellement de gravats à nos pieds, on a probablement dû perdre quelques plumes ces dernières années… On ne s’en souvient pas ! En face, le rigolo, s’il continue à cette allure et avec toutes ces pauses, on en a encore jusqu’à la nuit !

Ah, il s’arrête encore une fois et pose son sac sur un gros bloc.
Mais qu’est-ce qu’il peut bien trimbaler de si volumineux jusqu’ici ? Et pour quelle utilité ?
De son bagage, il extirpe précautionneusement une sorte de tube qu’il fixe sur un trépied. Si l’on n’était pas si tôt dans la journée, je penserais à un télescope.
Non, mais je rêve, il le braque droit sur nous… Euh, plutôt sur notre sœur aînée, « l’Aiguille de la Tsa ». Encore une fois, elle capte toute l’attention nous laissant le rôle de faire valoir à ses pieds. Le vent redescendant le versant opposé apporte un étrange claquement venant du bout de son doigt sur le dispositif. Il nous vole des images !
Ce long face à face, les yeux dans les yeux nous permettent aussi de le dévisager. Son regard admiratif ne m’est pas étranger. Je me rappelle ses caresses le long de toute mon arête ouest. Et toi sœurette, n’as-tu pas dû accueillir ses pitons fichés dans tes ressauts délicats ?
L’émoi des retrouvailles passé, nous multiplions les poses avant que les derniers rayons quittent nos cimes irisées sur un ciel déjà sombre.
Le flash crépite encore un peu dans le noir avant de céder la place aux Étoiles.
Il nous a déjà laissés dans notre décor, comme chaque fois.
Mais cette fois, je suis sûre qu’il reviendra !